jeudi 6 novembre 2008

Entretien Auracan.com (4/5) Travailler à plusieurs - 2008

« J’aime bien travailler en équipe ! »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Avec votre frère Jean-Marc, vous êtes rapidement devenus auteurs complets en créant la série Fabien M. chez Dargaud...
Nous avons toujours aimé raconter des histoires. J’ai l’impression que mon frère s’en passe aujourd'hui, puisqu’il ne scénarise plus... Pour moi, c’est impossible de ne pas être à l’origine de ce que je dessine. J’aime vraiment beaucoup qu’une idée née dans mon imagination se concrétise sur le papier et devienne quelque chose de réel. Fabien M. ou Étienne de Cazenac existent vraiment. Ce sont des personnages que j’ai au fond de moi et qui ont presque pris leur envol. Ils existent même en dehors de moi.

Vous avez arrêté la collaboration avec votre frère Jean-Marc...
Au cours de la série Le Fer et le Feu, Jean-Marc a souhaité poursuivre seul son chemin et moi le mien.

Et vous avez depuis démarré une fructueuse collaboration avec Pierre Boisserie. Comment l’avez-vous connu ?
Nous nous sommes rencontrés au festival de Buc, il y a plus de 10 ans. Pierre était dans l’organisation de ce festival, et on a d’abord parlé de son métier de kiné, un beau métier. Nous avons rapidement sympathisé. Ensuite, il m’a montré les choses qu’il faisait, et je lui ai proposé de travailler ensemble...

Vous aviez besoin de retrouver quelqu’un avec qui travailler ?
J’aime bien travailler en équipe, écrire des co-scénarios. Avec Pierre, on a un fonctionnement très particulier qui me plaît. Je ne sais pas si j’ai envie de le faire avec d’autres. Avec lui, cela se passe bien ! On se connaît bien, il connaît mes défauts, je connais les siens : si j’en ai très peu, il en a beaucoup ! [rires]

Parlez nous du fonctionnement particulier qui existe entre vous deux…
C’est un fonctionnement qui n'est pas sérieux du tout : nous travaillons comme des mômes ! Nous nous réunissons et nous nous racontons une histoire. Nous créons plutôt des synopsis agrandis que des scénarios extrêmement construits. Nous aimons rester libres. Surtout moi, côté dessin. Je m’accorde toujours le droit de rajouter des idées. Bien sûr quand nous travaillons ensemble, je l’appelle et nous en parlons. Lui aussi quand il rajoute des choses aux dialogues. Quand nous travaillons ensemble, nous établissons l’histoire, je fais le découpage – étape importante qui donnera le rythme – et il écrit les dialogues tout à la fin après les couleurs. C’est un autre truc que j’avais instauré. Ça fonctionnait déjà comme ça avec mon frère. Quand je dessine, je sais ce que les personnages vont dire, mais je ne leur mets pas encore les mots en bouche. Je vois après. C’est l’ajustement.

À quoi tient l’osmose qui existe entre vous et Pierre Boisserie ?
On a établi une fois pour toute une règle : on ne garde une idée que si nous sommes d’accord tous les deux. Sachant qu’on est assez objectifs, on reconnaît l’avis de l’autre, on ne met pas notre orgueil au premier plan. Et on s’amuse plutôt bien quand on écrit. Ensemble, on sort les idées essentielles. On construit une grosse ossature. Ensuite, Pierre affine un peu lorsqu’il réécrit. J’affine à mon tour quand je découpe. Il finit d’affiner, il fait la dentelle autour quand il fait les dialogues. On a à la fois un travail collectif et individuel...

... et alternatif…
Oui, on a une grande part de liberté chacun. Et, à la fin, nous obtenons une route qui serpente et qui tient bien !

C’est tout de même un fonctionnement assez atypique...
C’est sûr ! On est à la fois très différents et en même temps, nous avons en commun une culture proche. Certes, cette culture n’est pas la même. Pierre a lu plus de romans de science-fiction et de polars ; je suis plus classique, même dans ma formation. Je suis plus intéressé par la philosophie, les religions ; Pierre connaît davantage la musique. Il est très fort en comics, moi pas du tout. Mais nous avons une même curiosité ; il me semble qu’on se complète parfaitement. En tout cas, au niveau boulot, cela se passe vraiment très facilement. Il n’y en a jamais un qui essaye de passer devant l’autre. Notre règle n’est pas simple. C’est pour cela qu’on réfléchit le moins possible chacun de notre côté pour garder notre spontanéité ensemble et éviter qu’on s’attache à une idée sur laquelle on a réfléchit seul. Après, si l’autre ne le ressent pas, c’est plus dur. Alors dès que j’ai une idée, je l’appelle. Pareil pour lui, il m’appelle dès qu’il a en une. Mais la plupart des idées, on les a quand on est ensemble.

Au final, à quoi ressemble vos synopsis ?
Nos histoires tiennent en deux pages et demi. Après, je fais mon découpage. Certains pourraient peut-être dire qu’on manque de rigueur, mais nous ne le sentons pas comme cela. C’est notre façon et notre plaisir de travailler. Et pour nous cela fonctionne. Peut-être pourrions nous être meilleurs si nous faisions différemment, mais ce n’est pas sûr. En tout cas, nous aimons cette façon qui est la nôtre.

En terme d’écriture, vous travaillez aussi bien en équipe qu'en solo. Ressentez-vous le besoin d’alterner ?
J’aime beaucoup travailler en équipe. Pour le partage, l’émulation, ou tout simplement le plaisir de travailler ensemble, de trouver des idées différentes, d’appartenir à un groupe, de faire mieux. Je n’ai pas vraiment réfléchi à la question... Je le fais simplement parce que cela me plait. Ça me plait de le faire avec Pierre Boisserie et Éric Lambert sur Flor de Luna, ou avec Siro sur La Croix de Cazenac, ou avec les autres sur Voyageur. Et cela me plait d’être tout seul sur d’autres projets. Je suis comme un marin : parfois j’ai envie d’être tout seul sur mon bateau, et parfois de naviguer à plusieurs. Il ne faut pas tellement chercher plus loin que cela.

visuels : extrait de Le Fer et le Feu T3 © Éric et Jean-Marc Stalner / Glénat ; illustration Fabien M. © Éric et Jean-Marc Stalner / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen ; extrait de Voyageur T2, cycle Futur T2 © Stalner - Boisserie / Glénat
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

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