mercredi 5 novembre 2008

Entretien Auracan.com (3/5) Thématiques, influences, personnages - 2008

« Quand on regarde les yeux de mes personnages, j’aime qu’on ait l’impression qu’il y a quelque chose derrière... »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Parmi les thèmes qui reviennent dans votre œuvre, il y a notamment le début du XXème siècle…
C’est vraiment un moment de l’histoire qui compte énormément. Les deux frères de ma grand-mère maternelle sont morts à une semaine d’intervalle à 19 et 21 ans. Ma grand-mère était persuadée – on est une drôle de famille ! – que mon frère et moi sommes les réincarnations de ses deux frères ! Mon arrière grand-père paternel a fait la guerre du côté allemand sur un cuirassier...

La période de 1914 est donc pour vous l’occasion d’approfondir cette époque-là ?
Oui, et je la trouve graphiquement intéressante et historiquement fascinante. Le monde a connu quelque chose d’effrayant. C’est plus important que 1939-45 qui découle de la guerre 14-18, de tous ces nationalismes de la fin du XIXème et du début de XXème siècle.

Et côté peinture, lorsqu'on observe attentivement vos dessins, nous avons l'impression que vous aimez, et vous rapprochez, du XVIIIe siècle…
En effet, et aussi de toute la pensée romantique du XIXème. Je suis assez proche de la peinture de Caspar David Friedrich. C’est un retour à une vision, pas totalement païenne, mais, en tous les cas, moins chrétienne avec des influences plus liées à la nature et à la mythologie. On y retrouve forcément des ruines romaines ou grecques, des représentations des Dieux germaniques etc. C'est vrai, j’aime bien la grande période romantique allemande que l’on voit dans cette peinture-là...

Vous lisez beaucoup, allez souvent au théâtre et regardez beaucoup de films. J'imagine que cela alimente vos albums et leur donne de la profondeur...
Cela me paraît essentiel. Quand on regarde les yeux de mes personnages, j’aime qu’on ait l’impression qu’il y a quelque chose derrière. L’œil ne doit pas être vitreux, un simple élément du décor ou du visage. L’œil doit transporter une partie du personnage. Et celui-ci doit avoir une histoire, une chair, une existence, une profondeur. C’est vraiment essentiel ! Je ne suis pas un grand maître en scénario, en intelligence narrative. Je ne suis pas un grand spécialiste pour tenir en haleine les lecteurs, mais j’essaye de construire des personnages attachants. Mais je cherche à ce que mes personnages aient une forte histoire personnelle, de forts caractères, pour créer un peu de sens. En revanche, je n’ai pas envie d’introspection. Je n’ai pas envie de mettre en BD mon histoire personnelle. Je suis assez secret...

Mais vous retranscrivez autrement une part de vous au travers de vos personnages et de vos histoires…
Oui, forcément. Tout ce que j’aime, on le retrouve dans mes albums. Je n’aime pas trop réfléchir là-dessus, mais il y a des raisons si j’aime dessiner les ruines ou la nature. Pour la nature, je veux bien chercher quelques explications. Pour les ruines, j’ai peur que ce soit plus inquiétant qu’autre chose. J’ai toujours aimé cela, les peintures d’Hubert Robert, ou du Piranèse : les ruines de Rome au Moyen-Âge, ce sont des décors que j’adore !

Vos personnages ont souvent des gueules. En êtes-vous conscient ?
J’aime les gens un peu abîmés. J’ai du mal en BD avec les personnages trop parfaits genre Alain Delon. Des physiques à la Jean-Paul Belmondo me correspondent mieux. J’aime les gens qui ont vécu des drames intérieurs, qui sont allés au fond d’eux-mêmes et qui remontent à la surface. Je suis pareil : je n’abandonne jamais, je n’abandonnerai jamais. J’aime me battre dans la vie, cela me paraît essentiel. Alors forcément, en BD, j’aime les gens qui se battent, sur qui tout tombe et qui s’en sortent !

visuels : extrait de l'intégrale La Croix de Cazenac : Le Cycle du Loup © Stalner - Boisserie / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen ; extrait de la planche 38 de La Croix de Cazenac T6 © Stalner - Boisserie / Dargaud
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

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