jeudi 5 février 2009

Entretien Fantasy.fr 1/2 - 2007

Interview de Pierre Boisserie et Éric Stalner parue dans sur le site Fantasy.fr en juillet 2007
Propos recueillis par Serge Perraud en mars 2007 et publiés sur le site Fantasy.fr le 4 juillet 2007

Voyages au pays de Stalner et Boisserie 1/2

On doit à Éric Stalner et Pierre Boisserie La Croix de Cazenac, une saga de dix tomes conjuguant chamanisme et espionnage sur fond de Grande Guerre, Voyageur, une nouvelle fresque en treize volumes où l’intrigue s’étend de l’Antiquité à la fin du 21e siècle, ou encore Flor de Luna, une série prévue en sept volumes sur la Havane. Ils animent séparément des titres comme La Liste 66 pour Éric Stalner, et Eastern pour Pierre Boisserie.

Serge Perraud les a rencontrés à l'occasion du Salon du Livre de Paris, en mars dernier [mars 2007, ndlr]. La première partie de l'interview sera consacrée à leur nouvelle série Voyageur et la seconde à La Croix de Cazenac et aux autres projets des deux auteurs.


Vous êtes co-scénaristes de Voyageur, la nouvelle série qui parait chez Glénat. Vous qui avez l’expérience des deux situations, est-il plus facile d’être co-scénariste que scénariste ?
Éric Stalner : Oui ! C’est oui pour nous.
Pierre Boisserie : Mais c’est peut-être différent pour d’autres. Pour nous, cela nous convient bien. C’est une façon de travailler, de jouer au ping-pong avec les idées, qui nous plait bien.
ES : Mais les deux sont bien.
PB : C’est une manière très dynamique de faire des histoires, avec un aller-retour permanent de questions-réponses. De plus, on est constamment obligés de justifier nos choix et de justifier nos idées par rapport à l’autre et par rapport à l’histoire elle-même. C’est très enrichissant. On a une efficacité dans le travail qui est démultipliée. Donc j’adore ça !

Considérez-vous alors que vous allez beaucoup plus vite ?
PB : On va beaucoup plus vite et on est beaucoup plus créatifs. Disons, qu’on a un meilleur rendement… bien que ce mot ne soit pas très joli.
ES : Mais ce n’est pas pour cela qu’on le fait. C’est une conséquence, mais ce n’est pas la raison primordiale.
PB : Quand on travaille tout seul, souvent, il faut laisser les choses se reposer pour qu’une nouvelle idée arrive… C’est un peu comme la pâte à crêpes, il faut laisser reposer pour qu’une idée jaillisse et nous permette de reprendre l’histoire et de progresser. Quand on travaille à deux, si l’un est bloqué, l’autre qui s’est nourri de ce qu’a dit le premier va, justement, effacer le délai de repos et nous faire repartir.

À deux, n’y a-t-il pas une contradiction immédiate et une correction ?
ES : Disons qu’on s’est fixé une règle de base toute simple, en fait : on ne garde les idées que si l’on est tous les deux d’accord sur celles-ci.
PB : Si j’ai une idée qui me semble bonne, qu’Éric ne le trouve pas bonne et que je ne réussis pas à le convaincre que c’est une bonne idée, on abandonne et on passe à autre chose.

Donc, compte tenu de ce que vous venez de dire, vous étiez d’accord sur la date du 7 février 2082 ? Pourquoi le choix de cette date ?
ES : On a fait nos calculs et l’année 2082 est importante. De plus, on voulait être en début d’année. Peut-être que j’ai écrit ce truc le 7 février. On est parti au hasard, sauf pour l’année. Ce que nous faisons, nous prenons une date comme ça. Et puis, en fait, on la garde. C’est comme pour les noms. On prend des noms, qui ne seront pas ceux des personnages, pour lancer l’histoire plutôt que mettre x, y, z. On met des prénoms. Et souvent on les garde. On s’est habitué et puis ils correspondent aux personnages qu’on a crées.
PB : Ce pourrait être un rendez-vous. Mais non, je n’étais pas là le 7 février. Et il y a des chances qu’on ne soit plus là.
ES : Moi, j’ai 48 ans, j’aurais 100 ans en 2059 et cela me ferait… 123 ans ! Non, non, je n’y tiens pas !

Le projet du Voyageur est vieux de trois ans. Comment est née l’idée ?
PB : Cela fait même un peu plus longtemps puisqu’il y a cinq ans que je l’ai dans la tête, que j’ai commencé à en parler à droite et à gauche. Mais cela fait trois ans que j’ai parlé de cette idée à Didier Convard chez Glénat. Il a tout de suite accroché et cherché à mettre la machine en route. Voyant que Didier Convard était partant, j’ai pris mon téléphone, j’ai appelé Éric pour lui demander s’il voulait le faire avec moi. Il a dit oui tout de suite !

Pour 2082, faites-vous un futur qui prend en compte les projections actuelles ?
ES : Oui et non ! Oui, mais tous ceux qui tentent de faire des projections du présent pour inventer le futur se plantent. On a décidé cependant, de mettre quelques barrières… par exemple, on pense qu’il y a eu un virus qui a bloqué beaucoup de choses au niveau d’Internet, au niveau du développement des nanotechnologies…
PB : Ce qui peut être possible.
ES : Là, on est beaucoup plus libres pour être dans l’anticipation, dans la science-fiction pure. On a voulu être libres par rapport à ce futur et par rapport à toutes les projections qui ont été faites. Quand on voit un film de SF réalisé dans les années 80, je prends Alien par exemple, ils sont en retard parce qu’on voit des ordinateurs très épais, très profonds, alors qu’on est déjà aux écrans plats. Ils situaient l’action en 2040. Mais dès 2007, on a des écrans plats…
PB : Il se dit tellement de choses. On dit que le réchauffement de la planète, entraînera le refroidissement de l’Europe à cause du détournement du Gulf Stream. Maintenant, on dit que ce n’est pas tout à fait vrai, que rien ne va changer. Donc il n’y aura pas de refroidissement… Le réchauffement ne sera pas un vrai réchauffement… Les scientifiques, eux-mêmes, s’opposent sur plein de sujets.

Travaillez-vous sur une manipulation de la réalité ?
ES : Pas vraiment, non ! Justement, on travaille sur le contraire. C'est-à-dire que le postulat de base est un renversement des histoires de voyages dans le temps. En effet, notre voyageur doit revenir dans le temps, non pas pour manipuler la réalité et la modifier, mais pour s’assurer au contraire, que rien ne va changer. En effet, si on change la réalité dans le passé, on altère ce qui va se passer derrière et tout remettre en question, jusqu’au voyage dans le temps lui-même. L’enjeu n’est pas de changer le passé, c’est au contraire de s’assurer de sa pérennité.
PB : De préserver les choses…

Voyage-t-il dans le passé par sa seule capacité ?
PB : Par un gêne quantique !
ES : On a voulu éviter à tout prix la machine.
PB : Ça nous fatigue un peu la machine, la potion…
ES : C’était intéressant de jouer avec les connaissances dont on peut disposer au niveau de la mécanique quantique et du champ quantique. Donc, on a crée un gêne quantique qui permet au corps, par un effet tunnel….
PB : Enfin, toute une justification scientifique absolument digne de Star Trek.
ES : Qui ne tient pas la route !
PB : Qui ne tient pas la route trois secondes, mais qui est le postulat de base de la série. Maintenant, on demande juste aux lecteurs d’accepter ce postulat de base et de laisser l’histoire se dérouler.

Le Voyageur, sur la couverture du tome 1, tient un poignard. N’y a-t-il pas des armes plus sophistiquées dans le futur ? Je l’aurais plutôt vu avec un pistolet…
ES : Oui, mais d’où revient-il ? Dans le futur, il y a des fusils très sophistiqués. Il faudrait, pour vous répondre, rentrer dans l’histoire et là… Le voyageur sait se battre physiquement. Peut-être qu’il est allé dans une arène, dans l’Antiquité… et qu’il en revient ?
PB : De toute façon, rien n’a été laissé au hasard. Donc, s’il revient avec un poignard dans la main, c’est qu’il y a une raison… qui ne sera peut-être expliquée qu’au tome 12 !
ES : Mais l’ensemble de la série n’est pas une série de science-fiction. Il y a les quatre premiers tomes et le dernier qui se passent dans le futur. C’est uniquement le contexte qui crée la notion de futurisme. Quand on sera dans le présent et dans les étapes du passé, il n’y aura pas de technologies du futur transportées à travers le temps. Quand il est dans une époque, il y est avec ce dont il peut disposer, disponible à cette époque.

C’est vous, Éric Stalner, qui assurer les dessins des quatre premiers tomes...
ES : Je fais les quatre premiers tomes au niveau dessin, le co-scénario des treize. Les couvertures de la série sont l’œuvre d’un seul dessinateur, Juanjo Guarnido pour avoir une cohérence. Et il fera le tome 13.

Aventures, thriller, histoire et anticipation ne sont-ils pas les genres qui décrivent votre série ?
ES : Il y a des cycles. Si l’on prend le cycle du présent c’est plus un thriller, avec un mélange d’espionnage et une part d’anticipation. De même, ce qui se déroule dans le passé relève plus de l’aventure. Chaque cycle appartient à un domaine..
PB : Ça démarre dans le futur avec, effectivement, un goût de science-fiction, mais ce n’est pas que cela. On a essayé d’éviter l’amalgame.

Ce choix des périodes du passé, l’avez-vous fait par goût ?
ES : Pas du tout ! On s’est beaucoup posé la question. Comme dès le départ, on a eu envie de le faire avec d’autres dessinateurs, on a demandé aux copains pour participer et on leur a demandé aussi ce qu’ils avaient envie de dessiner. On voulait que ce soit une histoire de plaisir et qu’ils aient envie de dessiner quelque chose qui leur plaise. Lucien Rollin aime bien le Moyen-âge, Éric Liberge était tenté par l’Antiquité gallo-romaine, Éric Lambert voulait faire les Mousquetaires et Louis XIII, et Siro avait envie, vraiment, de traiter Paris sous l’occupation. Ainsi, ils avaient chacun un domaine, une époque qu’ils avaient choisie.

PB : Nous, on avait quatre trames de récits qu’on pouvait adapter à n’importe quelle époque. Ce qui était important, c’était l’enchaînement des quatre trames. Mais elles pouvaient se dérouler à une époque ou à une autre, ce n’était pas gênant.
ES : Il n’y avait pas, non plus, d’obligation d’époque. Le futur est primordial, le présent est très important. Il fallait absolument aujourd’hui. Mais, pour les périodes du passé, quelles se déroulent en 1650 ou 1712… Il y a des éléments que l’on peut adapter. Par exemple, l’histoire qui va se raconter sous l’Antiquité avait été écrite, au départ, pour des duellistes, dans l’esprit du film Les Duellistes, des Trois Mousquetaires ou autres. Finalement, cette histoire s’adapte très bien à des gladiateurs dans les arènes. On n’a pas eu de problème pour bouger l’histoire.


À suivre...

interview © Serge Perraud / Fantasy.fr
visuels © Stalner - Boisserie - Guarnido - Bourgne / Glénat - Rêves de Bulles

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