vendredi 7 novembre 2008

Entretien Auracan.com (5/5) Du dessin et du style - 2008

« Avec le scénario, un album me demande environ quatre mois de travail. »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Côté dessin, êtes-vous vraiment autodidacte ?
Oui, j’ai juste pris des cours de nu pour la préparation du concours des Beaux-Arts. Ça m’a manqué de ne pas faire une école parce que j’aurais gagné du temps. J’ai appris autrement. Je n’aime pas forcément ce que je fais, mais j’aime l’acte de création, l’émotion qu’elle dégage, le plaisir qu’elle me donne. Et parfois ça peut toucher au sacré. Quand je dessine un arbre, je deviens l’arbre. Je touche aux fondements de l’univers. Après, tant mieux si le résultat est beau, mais là n’est pas l’essentiel.

En vous regardant dessiner, on dirait presque que vous recopiez ce que vous imaginez…
C’est un peu cela. J’ai un peu de mémoire visuelle de ce que je dessine. Mais en même temps, ce que voit le cerveau, la main ne le reproduit pas toujours aussi bien qu’on le voudrait ! J’ignore si les autres dessinateurs fonctionnent comme cela, mais je vois le résultat possible de mon dessin. En dédicace, je mime parfois ce que je pourrais faire et je dis aux lecteurs que je pourrais faire ceci ou cela et dans ma tête je vois ce que c’est, mais eux ne voient évidemment rien – c’est un peu drôle mais moi je le vois effectivement.

Est-ce pour cela que vous faites peu de travaux préparatoires ?
Je n’arrive pas à faire comme certains. J’ai vu les travaux préparatoires de Ted Benoît quand il a repris Blake et Mortimer. Quand il dessinait une pièce, il préparait d’abord le plan de la pièce avec la position de chaque objet. Fou ! Moi, je triche complètement. Je vois bien dans les films : ils font fabriquer des chaises plus petites ou plus grandes pour travailler des effets visuels à la caméra. Il faut tricher tout le temps. En dessin, c’est facile de changer la taille des objets ou de faire de faux éclairages.

Votre style a récemment évolué avec le T3 de La Liste 66 et le T4 de Voyageur : vous avez abandonner l’encrage…
Oui, je me plais à fonctionner comme cela. J’ai toujours des craintes, mais j’aime bien effectivement ce style plus naturel, moins figé. Je n’ai pas fait un changement révolutionnaire, surtout en cours de série. Je travaille avec un crayon noir : ça fait donc des noirs assez noirs. Mais le dessin est plus dynamique. Cela a renouvelé mon plaisir sur La Liste 66 qui m’ennuie à dessiner car cela est trop contemporain. Je préfère dessiner des ruines, de vieilles maisons et la nature. Dans le T3 de La Liste 66, j’ai trouvé cette inondation fort judicieuse. Et heureusement qu’il y a aussi les vieilles voitures…

Sur La Croix de Cazenac et Flor de Luna, vous avez choisi d’ailleurs de partager le dessin avec Siro et Éric Lambert. Comment le vivent-ils ?
J’ai l’impression que cela se passe bien. Je sais que c’est un peu des vacances pour Stéphane [Siro, ndlr]. Il encre, il s’amuse ! J’ai une grande préférence pour le découpage et le dessin au crayon par rapport à l’encrage. Je n’ai aucune patience avec une plume et avec de l’encre, mais je l’ai avec le crayon. Je suis capable de faire des choses beaucoup plus compliquées au crayon en faisant vraiment attention, tandis qu’à l’encrage, ça m’ennuie tout de suite. Au crayon, je peux gommer, ciseler. C’est comme si j’avais de la terre glaise que je peux modeler et remodeler.

Vous avez aussi le don de découper rapidement vos planches…
Certains vivent très difficilement la mise en page. Mon découpage n’est pas génialissime, mais il vient vite et se tient à peu près. Mon dessin est assez classique, mon découpage ne l'est pas toujours. Je n’hésite pas à réaliser des cases de tailles différentes, à bouger la mise en scène et tout cela, je le fais effectivement vite. Je suis un peu contradictoire. D’un côté, je sais que c’est mon rythme. De l’autre, j’ai l’impression d’aller trop vite, de céder à la facilité de mon propre élan.

Vous êtes considéré en général comme un dessinateur plutôt rapide. Combien de planches réalisez-vous en moyenne par mois ?
J’ai un peu baissé de rythme, mais je tiens à peu près 15 planches par mois. Donc, avec le scénario, un album me demande environ quatre mois de travail.

visuels :
La Croix de Cazenac, illustration inédite © Stalner - Boisserie / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen ; extrait de la planche 9 de La Liste 66 T1 © Stalner / Dargaud ; Flor de Luna T2, extrait de la planche 13 © Lambert - Stalner - Boisserie / Glénat
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

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