mercredi 17 décembre 2008

Boisserie et Stalner : Il était une fois Cazenac - 2005

Texte de Pierre Boisserie paru dans La Lettre de Dargaud n°85 en septembre 2005 lors de la sortie de La Croix de Cazenac T7
Texte publié dans La Lettre de Dargaud n°85

Pierre Boisserie et Éric Stalner, septembre 2008 © Pierre Francillon

Boisserie & Stalner : Il était une fois Cazenac

Le septième titre de La Croix de Cazenac, Les Espions du Caire, inaugure en septembre le troisième cycle de cette série d’aventure sur fond d’espionnage. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas encore la série, une intégrale réunissant les trois premiers épisodes du premier cycle est sortie cet été, présentant notamment la série. Nous avons repris le texte d’introduction de Pierre Boisserie, coscénariste de Cazenac en compagnie d’Éric Stalner qui est aussi le dessinateur.

Les lecteurs qui viennent nous voir en dédicace nous posent souvent la même question : Pourquoi la guerre de 14-18 ? Je me suis dit que cette intégrale était l’occasion idéale pour répondre une bonne fois pour toutes à cette question et éclairer les nouveaux lecteurs.

Un peu d’histoire
À la fin du siècle dernier, alors que je commençais à plonger un orteil dans le grand bain de la BD, Éric (Stalner) décidait de son côté de se lancer en solo dans un nouveau projet. Bien que nous ne sachions toujours pas pourquoi dix ans plus tard, nous avions déjà étroitement sympathisé depuis quelque temps quand il vint me demander de travailler avec lui sur un nouveau projet. Le genre de proposition qui se refuse difficilement…

Nous voici donc réunis, commençant notre exploration de l’influence des liquides plus ou moins alcoolisés sur la créativité scénaristique, qui fera d’ailleurs bientôt l’objet d’une étude scientifique assez poussée (mais nous avons besoin de beaucoup de recul). Dans un premier temps, nous sommes partis sur l’idée de faire un polar urbain, dans lequel James Last, un jeune flic new-yorkais à demi indien, se découvre petit à petit un héritage chamanique, au fur et à mesure qu’il est confronté à des phénomènes paranormaux reprenant les thèmes classiques des loups-garous, des vampires, du vaudou et autres réjouissances. Bon, nous voilà partis, comme en 14, dans les impasses sordides entre les buildings à faire courir notre héros après une belle louve, sauf que…

Sauf que l’ami Éric, New York, ce n’est pas son univers, ou alors revisité par Roland Emmerich, avec des ruines et des arbres morts partout. Donc lorsque nous avons présenté le projet chez Dargaud, nous n’avons pas senti un grand enthousiasme : ce n’était pas mal mais ne correspondait pas vraiment à un univers « stalnérien ». Et ils avaient raison.

Nous étions quelque peu dépités, mais prêts à repartir sur autre chose. Nous nous retrouvons donc chez moi, et, ce jour-là, je revenais de visiter un très vieux monsieur qui vivait ses derniers jours, et qui m’avait fait ce jour-là un splendide cadeau. Son père avait fait Verdun, et lui avait légué un magnifique ouvrage de 1933, recueillant le témoignage de tous ceux, du plus modeste des soldats au plus gradé des officiers, qui avaient vécu cet enfer. Je retrouve donc mon Éric avec ce livre sous le bras. Il me dit : « Tiens, tu t’intéresses à la Grande Guerre, toi aussi ? » Et c’est là que j’ai eu cette réplique légendaire : « Ben oui… Pourquoi ? »

Nous y voilà donc : pourquoi 14-18 ?
Premièrement pour des raisons familiales qui touchent d’ailleurs toutes les familles françaises : Éric avait un arrière-grand-père, du côté allemand, et des grands-oncles, du côté français, qui sont morts au Chemin des Dames. Pour ma part, les Pierre Boisserie qui ornent les monuments aux morts de Dordogne sont légion. Explorer cette époque était donc une manière de leur rendre hommage.

Ensuite pour des raisons humaines : les hommes qui ont vécu cet enfer, dont beaucoup ne sont pas revenus (10 millions d’hommes dont 1,4 million de Français), ont fait preuve d’un courage que nous aurions bien du mal à trouver de nos jours. Leurs témoignages sont bouleversants et fort dérangeants pour nos vies confortablement consuméristes.

Enfin, pour des raisons politiques : la Grande Guerre est l’événement fondateur de la mondialisation et de tous les problèmes politiques qui en découlent et qui occupent encore aujourd’hui les gros titres de l’actualité. La France, La Grande-Bretagne et les États-Unis ont pris des décisions politiques avant tout pour défendre leurs intérêts économiques bien plus que pour préserver la paix entre les peuples ; et l’Irak était déjà convoité par les grandes puissances mondiales pour son pétrole, comme nous le verrons dans le Cycle du Tigre qui débute en septembre. De quoi alimenter des scénarios en explorant la face cachée de cette guerre, où les espions ont joué un rôle primordial.

Et hop !
C’était reparti pour un tour. Nous avons ressorti la bouteille de cassis et refait de la glace pilée et nous avons commencé à laisser notre imagination arpenter les tranchées du bourbier du nord de la France. Une idée s’est rapidement imposée : et si on conservait cette histoire de jeune chaman qui s’ignore et que les événements vont révéler ? Un chaman dans les tranchées ? Après tout, pourquoi pas ? Le personnage de Brad Pitt dans Légendes d’automne a fini de nous convaincre que c’était une bonne idée. Ajoutez à cela une dose d’espionnage, des histoires de famille, une quête initiatique, du vin de Cahors, alors servi à la cour des tsars, et le reste est venu tout seul…

D’autant plus qu’à l’époque, j’avais déjà sous le coude le scénario d’Eastern, qui raconte les tribulations d’un jeune Français en 1825 dans son périple depuis sa Bretagne jusqu’en Sibérie, à la poursuite d’un fabuleux trésor caché au cœur de la cité de Baba Yaga. L’histoire plaisait bien à Éric, mais il préférait travailler sur un scénario venant de nous deux. Nous avons alors commencé à consciencieusement piller le scénario d’Eastern pour alimenter celui de Cazenac en imaginant des liens entre les personnages de nos différentes séries. Lorsqu’au début de l’histoire que vous allez lire, le jeune Étienne parle du premier des Cazenac, enterré sous la grande Croix du domaine familial, c’est de Guillaume, le héros d’Eastern (dessin de Héloret), qu’il s’agit.

Il restait à trouver un titre pour cette histoire
Éric habitant Cahors, et moi-même étant originaire du Sud-Ouest, nous voulions un nom qui sente bon la vigne et le confit de canard. J’ai donc pris ma carte de Dordogne et exploré tous les noms qui me semblaient bien sonner, pour finalement m’arrêter sur Cazenac, petit village surplombant le château de Beynac, l’un des plus connus de la vallée de la Dordogne.

La Croix de Cazenac…
Aucun doute possible, nous avions trouvé le nom générique ! Voilà maintenant sept ans que nous nous occupons de la destinée de cette famille hors du commun. Nous nous sommes depuis attachés à chacun d’eux en espérant qu’ils nous pardonnent toutes les péripéties que nous leur faisons vivre. Et ce n’est pas fini ! Les aventures de Guillaume, le premier des Cazenac, ne font que commencer, et, qui sait, peut-être un jour lirez-vous celles du dernier des Cazenac. Et dernier, en anglais, se dit « last », comme James Last…

Pierre Boisserie

visuels © Stalner - Boisserie / Dargaud
texte © Pierre Boisserie / Dargaud

dimanche 16 novembre 2008

Entretien Metro - 2007

Interview d'Éric Stalner parue dans Metro en avril 2007 lors de la sortie de Voyageur T1 Futur 1
Propos recueillis par Olivier Aubrée et publiés dans Metro le 01.04.2007

« Nous sommes de grands gosses »

Éric Stalner est décontracté. Son crayon trône sur une planche quasi achevée (déjà la n°36 du prochain tome de Voyageur). Deux mines satisfaites du travail accompli. Éric Stalner est cruel : « Avec Pierre Boisserie (coscénariste, ndlr), on a récemment décidé de faire arracher le bras d'un personnage. » Éric Stalner est surtout « super excité » par cette nouvelle saga en treize tomes dont le premier est paru le 28 mars et dont le dernier est programmé en 2011. Un voyage à rebours dans le temps, à la croisée des genres (science-fiction, thriller, épopée historique) et au suspense prometteur.

Comment est née l'idée de ce mystérieux voyageur qui remonte le temps en vieillissant ?
Pierre Boisserie avait envie de suivre un héros ayant pour mission de préserver le déroulement du passé pour ne pas provoquer le chaos dans le présent. Face à lui : un autre personnage qui veut, au contraire, modifier le temps. Le concept a déjà fait l'objet de beaucoup de films (Terminator, Retour vers le futur, L'Effet papillon...), mais on a imaginé un maximum d'impossibilités pour aller jusqu'au bout de cette logique : si on sauvait le Titanic ? si on assassinait Hitler ? si on tombait amoureux de sa grand-mère ? Le monde actuel en serait chamboulé, et le héros s'y oppose.

Quel sera le « moyen de transport » entre les différentes époques ?
On ne voulait surtout pas utiliser de machine, comme dans la science-fiction classique. Des gènes quantiques (une extrapolation scientifique, bien sûr) permettront au héros de changer de siècle en suivant les empreintes qu'il a laissées dans le passé (photos, statues, tableaux...). En revanche, il y a une unité de lieu : Paris, des arènes de Lutèce au "Granparis" high-tech des années 2080, en passant par la construction de Notre-Dame et l'Occupation allemande.

Au total, vous serez huit à vous partager la réalisation des treize épisodes. Comment peut-on préserver la cohérence d'un projet avec autant de participants ?
Pour le scénario, Pierre Boisserie et moi-même sommes complices depuis longtemps (collaboration sur La Croix de Cazenac, entre autres). Entre nous, c'est une partie de ping-pong permanente. On est des grands gosses : comme deux frères qui dorment dans des lits jumeaux et qui se racontent des histoires dans le noir, on multiplie les « et si... » et on ne conserve une idée que si elle nous plaît à tous les deux. Trois ans se seront écoulés entre la naissance du projet et la parution du premier album.

Et pour le dessin ?
Nous connaissons très bien tous les dessinateurs qui interviennent. On fonctionne comme une bande de copains. Les changements d'époque et d'âge des personnages permettent à chacun de s'exprimer, pourvu que le scénario et les caractéristiques du héros (yeux vairons, cheveux blancs, cicatrice en V sur le front) soient respectées.

Y a-t-il un message qui sous-tend Voyageur ou bien est-ce une épopée purement ludique ?
Il y a quelques réflexions sur la façon inquiétante dont notre société gère ses ressources et donc l'avenir (gaspillage d'énergies, réchauffement climatique...), mais il n'y a pas de grand message, et surtout pas de leçon de morale. La notion de plaisir prime. Notre plaisir de créer une grande saga de toutes pièces (un vrai casse-tête pour que tout colle dans cette histoire complexe !) et de la dessiner en s'amusant vraiment. Mais aussi le plaisir du lecteur, qu'on veut surprendre, voire manipuler en le faisant entrer dans des jeux de miroir incessants : des personnages se retrouveront face à eux-mêmes sans le savoir ; de lointains ancêtres vont rencontrer leurs descendants ; je ferai aussi un clin d'œil à un vieil ami qui m'est cher, Fabien M.

L'action, le suspense, c'est votre marque de fabrique ?
Justement, à l'avenir, j'aimerais faire plus de psychologie. J'espère relever ce défi. Je n'en dirai pas plus…

interview © Olivier Aubrée / Metro

mercredi 12 novembre 2008

Entretien Actuabd.com - 2007

Interview d'Éric Stalner parue sur Actuabd.com lors de la sortie de Voyageur T1 Futur 1
Propos recueillis par Laurent Boileau
Entretien publié sur
Actuabd.com le 31.03.2007

« Plus le temps passe, plus j’ai envie de faire des albums »

Les éditions Glénat misent beaucoup sur Voyageur, une ambitieuse saga, dont le premier tome vient de paraître. Éric Stalner, coscénariste et dessinateur du premier cycle, a du pain sur la planche : outre les deux premiers tomes de Voyageur, il publie cette année le tome 2 de La Liste 66, le tome 9 de La Croix de Cazenac et une nouvelle série, Flor de Luna !

Vous publiez cinq albums cette année. Vous êtes boulimique ?
Mon grand défaut, c’est que je suis gourmand. J’aime la vie. J’ai besoin d’aller de l’avant, d’avoir plein de projets. Parfois, il m’arrive d’avoir peur de cette fuite en avant. Je dessine 10 heures par jour et 6 jours sur 7. Pas pour des raisons économiques mais parce que j’aime vraiment dessiner. J’adore mon métier et plus le temps passe, plus j’ai envie de faire des albums. Si la qualité du dessin en pâtit, il faut que les lecteurs et les éditeurs me le disent. Je dessine vite, le découpage vient naturellement. C’est une qualité mais aussi un défaut car je peux me satisfaire d’un dessin qui mériterait plus de travail. Je me gendarme et j’essaie de faire attention !

Scénariste, co-scénariste, dessinateur, vous aimez alterner les fonctions ?
J’aime bien les nouvelles expériences. Par exemple, pour Flor de Luna, je coscénarise avec Pierre Boisserie ; je fais ensuite le découpage et seulement le crayonné. C’est Éric Lambert qui finira le dessin. Ce n’est pas une volonté d’aller plus vite, c’est parce que j’aime le travail en équipe. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau pour moi, je le faisais déjà avec mon frère, il y a quelques années. Sur le prochain La Croix de Cazenac, Siro encrera et finira le dessin. Mon dessin encré par Lambert n’est pas le même que celui encré par Siro. C’est, à la fois, moi et pas moi ! Mais attention, Siro et Lambert sont de véritables dessinateurs. Ce ne sont pas des exécutants techniques.

Pourquoi vous impliquer de plus en plus dans les scénarios ?
Je ne peux plus être seulement dessinateur. J’ai besoin de m’investir dans le scénario. Je ne fais bien que ce que j’aime. Et si on entrave ma liberté, je n’arrive pas à dessiner. Pour raconter une histoire, je ressens le besoin d’être associé à l’origine des personnages, de les sentir et de les faire vivre. En revanche, pour les dialogues, je laisse faire Pierre Boisserie. Sur Voyageur, il rajoute les dialogues sur mes dessins.

Ce qui veut dire que le dessin existe derrière les bulles ?
Tout à fait. Je connais ce que les personnages vont dire mais je ne connais pas les mots exacts qu’ils vont employer. Lors du découpage, je connais les sentiments qu’éprouvent les personnages et donc je sais si le visage doit être interrogatif, effrayé ou souriant. Pierre pose les bulles à l’ordinateur et affine son texte en fonction du dessin. Le texte peut être explicatif mais il permet aussi de rythmer la lecture et d’obliger le lecteur à s’arrêter sur telle ou telle case.

Treize albums en 4 ans, Le Voyageur est une grande aventure… avec plusieurs dessinateurs…
Dessiner la série en dix ans m’aurait lassé. En plus, l’histoire avec trois cycles (futur, présent, passé) se prêtait parfaitement à ce que plusieurs dessinateurs interviennent. Voyageur a quelques signes distinctifs (cicatrice, cheveux blancs, yeux vairons) qui permettront de l’identifier quel que soit le dessinateur. Pour le lecteur, la publication rapide est un bonheur. Et l’éditeur ne peut que s’y retrouver. C’est aussi un moyen de proposer une alternative au rythme rapide de publication des mangas…

L’expérience de Glénat sur ce type de saga est un atout ?
C’est rassurant, enthousiasmant mais aussi exigeant parce qu’il faut être à la hauteur de leur "investissement". À l’origine, Pierre Boisserie en a parlé à Didier Convard qui a été tout de suite très motivé et il a su entraîner toute l’équipe Glénat avec lui : l’éditorial, les forces de vente, le marketing…

Pour un dessinateur, n’est-ce pas frustrant de ne pas dessiner la couverture de son album ?
Oh que si ! Mais c’est très bon pour l’humilité ! Les couvertures de Juanjo Guarnido donneront une unité à l’ensemble, comme l’avait fait Juillard pour Le Triangle Secret. Juanjo s’est tellement impliqué qu’il a demandé à dessiner un album. Il fera donc le dernier tome que je devais initialement dessiner moi-même.

interview & photo © Laurent Boileau / Actuabd.com
Remerciements à Laurent Boileau pour son aimable autorisation de reproduction

lundi 10 novembre 2008

Photo d'Éric Stalner, Toulouse mai 2008

Voici un bel instantané photographique réalisé par Sébastien Cazajous lors du festival BD La Comédie des Bulles qui se tenait à Toulouse les 24 et 25 mai 2008 sur le quai de la Daurade.

photo © Sébastien Cazajous
Remerciements à Sébastien Cazajous pour son aimable autorisation de reproduction. N'hésitez pas à découvrir son site...

dimanche 9 novembre 2008

Entretien vidéo L'Hebdo BD - 2007

Interview vidéo d'Éric Stalner pour l'émission L'Hebdo BD, un rendez-vous proposé par le journal suisse Le Matin. Entretien mené par Jean-Marc Lucas et réalisé à Toulouse en 2007 lors de la sortie de Voyageur T1 Futur 1.

© Hebdo BD / Le Matin

samedi 8 novembre 2008

Entretien vidéo Bedeo.fr - 2008

Éric Stalner : « Ma faim de dessin »

Voici un court entretien vidéo avec Éric Stalner, enregistré par l'équipe de Bedeo.fr durant le Festival international de la Bande Dessinée d'Angoulême, proposé le 25 janvier 2008 sur le site du Monde...
L'auteur, qui s'y définit comme « un grand ours timide », y parle de Voyageur, du Roman de Malemort, de sa boulimie de dessiner, et précise « Je ne sais pas si ce que je fais est bien, mais j'aime bien le faire ».

Eric Stalner : "Ma faim de dessin"
LEMONDE.FR | 25.01.08

© Le Monde.fr

vendredi 7 novembre 2008

Entretien Auracan.com (5/5) Du dessin et du style - 2008

« Avec le scénario, un album me demande environ quatre mois de travail. »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Côté dessin, êtes-vous vraiment autodidacte ?
Oui, j’ai juste pris des cours de nu pour la préparation du concours des Beaux-Arts. Ça m’a manqué de ne pas faire une école parce que j’aurais gagné du temps. J’ai appris autrement. Je n’aime pas forcément ce que je fais, mais j’aime l’acte de création, l’émotion qu’elle dégage, le plaisir qu’elle me donne. Et parfois ça peut toucher au sacré. Quand je dessine un arbre, je deviens l’arbre. Je touche aux fondements de l’univers. Après, tant mieux si le résultat est beau, mais là n’est pas l’essentiel.

En vous regardant dessiner, on dirait presque que vous recopiez ce que vous imaginez…
C’est un peu cela. J’ai un peu de mémoire visuelle de ce que je dessine. Mais en même temps, ce que voit le cerveau, la main ne le reproduit pas toujours aussi bien qu’on le voudrait ! J’ignore si les autres dessinateurs fonctionnent comme cela, mais je vois le résultat possible de mon dessin. En dédicace, je mime parfois ce que je pourrais faire et je dis aux lecteurs que je pourrais faire ceci ou cela et dans ma tête je vois ce que c’est, mais eux ne voient évidemment rien – c’est un peu drôle mais moi je le vois effectivement.

Est-ce pour cela que vous faites peu de travaux préparatoires ?
Je n’arrive pas à faire comme certains. J’ai vu les travaux préparatoires de Ted Benoît quand il a repris Blake et Mortimer. Quand il dessinait une pièce, il préparait d’abord le plan de la pièce avec la position de chaque objet. Fou ! Moi, je triche complètement. Je vois bien dans les films : ils font fabriquer des chaises plus petites ou plus grandes pour travailler des effets visuels à la caméra. Il faut tricher tout le temps. En dessin, c’est facile de changer la taille des objets ou de faire de faux éclairages.

Votre style a récemment évolué avec le T3 de La Liste 66 et le T4 de Voyageur : vous avez abandonner l’encrage…
Oui, je me plais à fonctionner comme cela. J’ai toujours des craintes, mais j’aime bien effectivement ce style plus naturel, moins figé. Je n’ai pas fait un changement révolutionnaire, surtout en cours de série. Je travaille avec un crayon noir : ça fait donc des noirs assez noirs. Mais le dessin est plus dynamique. Cela a renouvelé mon plaisir sur La Liste 66 qui m’ennuie à dessiner car cela est trop contemporain. Je préfère dessiner des ruines, de vieilles maisons et la nature. Dans le T3 de La Liste 66, j’ai trouvé cette inondation fort judicieuse. Et heureusement qu’il y a aussi les vieilles voitures…

Sur La Croix de Cazenac et Flor de Luna, vous avez choisi d’ailleurs de partager le dessin avec Siro et Éric Lambert. Comment le vivent-ils ?
J’ai l’impression que cela se passe bien. Je sais que c’est un peu des vacances pour Stéphane [Siro, ndlr]. Il encre, il s’amuse ! J’ai une grande préférence pour le découpage et le dessin au crayon par rapport à l’encrage. Je n’ai aucune patience avec une plume et avec de l’encre, mais je l’ai avec le crayon. Je suis capable de faire des choses beaucoup plus compliquées au crayon en faisant vraiment attention, tandis qu’à l’encrage, ça m’ennuie tout de suite. Au crayon, je peux gommer, ciseler. C’est comme si j’avais de la terre glaise que je peux modeler et remodeler.

Vous avez aussi le don de découper rapidement vos planches…
Certains vivent très difficilement la mise en page. Mon découpage n’est pas génialissime, mais il vient vite et se tient à peu près. Mon dessin est assez classique, mon découpage ne l'est pas toujours. Je n’hésite pas à réaliser des cases de tailles différentes, à bouger la mise en scène et tout cela, je le fais effectivement vite. Je suis un peu contradictoire. D’un côté, je sais que c’est mon rythme. De l’autre, j’ai l’impression d’aller trop vite, de céder à la facilité de mon propre élan.

Vous êtes considéré en général comme un dessinateur plutôt rapide. Combien de planches réalisez-vous en moyenne par mois ?
J’ai un peu baissé de rythme, mais je tiens à peu près 15 planches par mois. Donc, avec le scénario, un album me demande environ quatre mois de travail.

visuels :
La Croix de Cazenac, illustration inédite © Stalner - Boisserie / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen ; extrait de la planche 9 de La Liste 66 T1 © Stalner / Dargaud ; Flor de Luna T2, extrait de la planche 13 © Lambert - Stalner - Boisserie / Glénat
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

jeudi 6 novembre 2008

Entretien Auracan.com (4/5) Travailler à plusieurs - 2008

« J’aime bien travailler en équipe ! »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Avec votre frère Jean-Marc, vous êtes rapidement devenus auteurs complets en créant la série Fabien M. chez Dargaud...
Nous avons toujours aimé raconter des histoires. J’ai l’impression que mon frère s’en passe aujourd'hui, puisqu’il ne scénarise plus... Pour moi, c’est impossible de ne pas être à l’origine de ce que je dessine. J’aime vraiment beaucoup qu’une idée née dans mon imagination se concrétise sur le papier et devienne quelque chose de réel. Fabien M. ou Étienne de Cazenac existent vraiment. Ce sont des personnages que j’ai au fond de moi et qui ont presque pris leur envol. Ils existent même en dehors de moi.

Vous avez arrêté la collaboration avec votre frère Jean-Marc...
Au cours de la série Le Fer et le Feu, Jean-Marc a souhaité poursuivre seul son chemin et moi le mien.

Et vous avez depuis démarré une fructueuse collaboration avec Pierre Boisserie. Comment l’avez-vous connu ?
Nous nous sommes rencontrés au festival de Buc, il y a plus de 10 ans. Pierre était dans l’organisation de ce festival, et on a d’abord parlé de son métier de kiné, un beau métier. Nous avons rapidement sympathisé. Ensuite, il m’a montré les choses qu’il faisait, et je lui ai proposé de travailler ensemble...

Vous aviez besoin de retrouver quelqu’un avec qui travailler ?
J’aime bien travailler en équipe, écrire des co-scénarios. Avec Pierre, on a un fonctionnement très particulier qui me plaît. Je ne sais pas si j’ai envie de le faire avec d’autres. Avec lui, cela se passe bien ! On se connaît bien, il connaît mes défauts, je connais les siens : si j’en ai très peu, il en a beaucoup ! [rires]

Parlez nous du fonctionnement particulier qui existe entre vous deux…
C’est un fonctionnement qui n'est pas sérieux du tout : nous travaillons comme des mômes ! Nous nous réunissons et nous nous racontons une histoire. Nous créons plutôt des synopsis agrandis que des scénarios extrêmement construits. Nous aimons rester libres. Surtout moi, côté dessin. Je m’accorde toujours le droit de rajouter des idées. Bien sûr quand nous travaillons ensemble, je l’appelle et nous en parlons. Lui aussi quand il rajoute des choses aux dialogues. Quand nous travaillons ensemble, nous établissons l’histoire, je fais le découpage – étape importante qui donnera le rythme – et il écrit les dialogues tout à la fin après les couleurs. C’est un autre truc que j’avais instauré. Ça fonctionnait déjà comme ça avec mon frère. Quand je dessine, je sais ce que les personnages vont dire, mais je ne leur mets pas encore les mots en bouche. Je vois après. C’est l’ajustement.

À quoi tient l’osmose qui existe entre vous et Pierre Boisserie ?
On a établi une fois pour toute une règle : on ne garde une idée que si nous sommes d’accord tous les deux. Sachant qu’on est assez objectifs, on reconnaît l’avis de l’autre, on ne met pas notre orgueil au premier plan. Et on s’amuse plutôt bien quand on écrit. Ensemble, on sort les idées essentielles. On construit une grosse ossature. Ensuite, Pierre affine un peu lorsqu’il réécrit. J’affine à mon tour quand je découpe. Il finit d’affiner, il fait la dentelle autour quand il fait les dialogues. On a à la fois un travail collectif et individuel...

... et alternatif…
Oui, on a une grande part de liberté chacun. Et, à la fin, nous obtenons une route qui serpente et qui tient bien !

C’est tout de même un fonctionnement assez atypique...
C’est sûr ! On est à la fois très différents et en même temps, nous avons en commun une culture proche. Certes, cette culture n’est pas la même. Pierre a lu plus de romans de science-fiction et de polars ; je suis plus classique, même dans ma formation. Je suis plus intéressé par la philosophie, les religions ; Pierre connaît davantage la musique. Il est très fort en comics, moi pas du tout. Mais nous avons une même curiosité ; il me semble qu’on se complète parfaitement. En tout cas, au niveau boulot, cela se passe vraiment très facilement. Il n’y en a jamais un qui essaye de passer devant l’autre. Notre règle n’est pas simple. C’est pour cela qu’on réfléchit le moins possible chacun de notre côté pour garder notre spontanéité ensemble et éviter qu’on s’attache à une idée sur laquelle on a réfléchit seul. Après, si l’autre ne le ressent pas, c’est plus dur. Alors dès que j’ai une idée, je l’appelle. Pareil pour lui, il m’appelle dès qu’il a en une. Mais la plupart des idées, on les a quand on est ensemble.

Au final, à quoi ressemble vos synopsis ?
Nos histoires tiennent en deux pages et demi. Après, je fais mon découpage. Certains pourraient peut-être dire qu’on manque de rigueur, mais nous ne le sentons pas comme cela. C’est notre façon et notre plaisir de travailler. Et pour nous cela fonctionne. Peut-être pourrions nous être meilleurs si nous faisions différemment, mais ce n’est pas sûr. En tout cas, nous aimons cette façon qui est la nôtre.

En terme d’écriture, vous travaillez aussi bien en équipe qu'en solo. Ressentez-vous le besoin d’alterner ?
J’aime beaucoup travailler en équipe. Pour le partage, l’émulation, ou tout simplement le plaisir de travailler ensemble, de trouver des idées différentes, d’appartenir à un groupe, de faire mieux. Je n’ai pas vraiment réfléchi à la question... Je le fais simplement parce que cela me plait. Ça me plait de le faire avec Pierre Boisserie et Éric Lambert sur Flor de Luna, ou avec Siro sur La Croix de Cazenac, ou avec les autres sur Voyageur. Et cela me plait d’être tout seul sur d’autres projets. Je suis comme un marin : parfois j’ai envie d’être tout seul sur mon bateau, et parfois de naviguer à plusieurs. Il ne faut pas tellement chercher plus loin que cela.

visuels : extrait de Le Fer et le Feu T3 © Éric et Jean-Marc Stalner / Glénat ; illustration Fabien M. © Éric et Jean-Marc Stalner / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen ; extrait de Voyageur T2, cycle Futur T2 © Stalner - Boisserie / Glénat
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

mercredi 5 novembre 2008

Entretien Auracan.com (3/5) Thématiques, influences, personnages - 2008

« Quand on regarde les yeux de mes personnages, j’aime qu’on ait l’impression qu’il y a quelque chose derrière... »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Parmi les thèmes qui reviennent dans votre œuvre, il y a notamment le début du XXème siècle…
C’est vraiment un moment de l’histoire qui compte énormément. Les deux frères de ma grand-mère maternelle sont morts à une semaine d’intervalle à 19 et 21 ans. Ma grand-mère était persuadée – on est une drôle de famille ! – que mon frère et moi sommes les réincarnations de ses deux frères ! Mon arrière grand-père paternel a fait la guerre du côté allemand sur un cuirassier...

La période de 1914 est donc pour vous l’occasion d’approfondir cette époque-là ?
Oui, et je la trouve graphiquement intéressante et historiquement fascinante. Le monde a connu quelque chose d’effrayant. C’est plus important que 1939-45 qui découle de la guerre 14-18, de tous ces nationalismes de la fin du XIXème et du début de XXème siècle.

Et côté peinture, lorsqu'on observe attentivement vos dessins, nous avons l'impression que vous aimez, et vous rapprochez, du XVIIIe siècle…
En effet, et aussi de toute la pensée romantique du XIXème. Je suis assez proche de la peinture de Caspar David Friedrich. C’est un retour à une vision, pas totalement païenne, mais, en tous les cas, moins chrétienne avec des influences plus liées à la nature et à la mythologie. On y retrouve forcément des ruines romaines ou grecques, des représentations des Dieux germaniques etc. C'est vrai, j’aime bien la grande période romantique allemande que l’on voit dans cette peinture-là...

Vous lisez beaucoup, allez souvent au théâtre et regardez beaucoup de films. J'imagine que cela alimente vos albums et leur donne de la profondeur...
Cela me paraît essentiel. Quand on regarde les yeux de mes personnages, j’aime qu’on ait l’impression qu’il y a quelque chose derrière. L’œil ne doit pas être vitreux, un simple élément du décor ou du visage. L’œil doit transporter une partie du personnage. Et celui-ci doit avoir une histoire, une chair, une existence, une profondeur. C’est vraiment essentiel ! Je ne suis pas un grand maître en scénario, en intelligence narrative. Je ne suis pas un grand spécialiste pour tenir en haleine les lecteurs, mais j’essaye de construire des personnages attachants. Mais je cherche à ce que mes personnages aient une forte histoire personnelle, de forts caractères, pour créer un peu de sens. En revanche, je n’ai pas envie d’introspection. Je n’ai pas envie de mettre en BD mon histoire personnelle. Je suis assez secret...

Mais vous retranscrivez autrement une part de vous au travers de vos personnages et de vos histoires…
Oui, forcément. Tout ce que j’aime, on le retrouve dans mes albums. Je n’aime pas trop réfléchir là-dessus, mais il y a des raisons si j’aime dessiner les ruines ou la nature. Pour la nature, je veux bien chercher quelques explications. Pour les ruines, j’ai peur que ce soit plus inquiétant qu’autre chose. J’ai toujours aimé cela, les peintures d’Hubert Robert, ou du Piranèse : les ruines de Rome au Moyen-Âge, ce sont des décors que j’adore !

Vos personnages ont souvent des gueules. En êtes-vous conscient ?
J’aime les gens un peu abîmés. J’ai du mal en BD avec les personnages trop parfaits genre Alain Delon. Des physiques à la Jean-Paul Belmondo me correspondent mieux. J’aime les gens qui ont vécu des drames intérieurs, qui sont allés au fond d’eux-mêmes et qui remontent à la surface. Je suis pareil : je n’abandonne jamais, je n’abandonnerai jamais. J’aime me battre dans la vie, cela me paraît essentiel. Alors forcément, en BD, j’aime les gens qui se battent, sur qui tout tombe et qui s’en sortent !

visuels : extrait de l'intégrale La Croix de Cazenac : Le Cycle du Loup © Stalner - Boisserie / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen ; extrait de la planche 38 de La Croix de Cazenac T6 © Stalner - Boisserie / Dargaud
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

mardi 4 novembre 2008

Entretien Auracan.com (2/5) Les débuts en BD - 2008

« Pendant des années, notre grand-mère paternelle nous a demandé quand nous allions avoir un vrai métier ! »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Comment vous êtes-vous intéressé à la bande dessinée ?
J’avais 10 ans lorsque j’ai réalisé mes premières BD avec mon frère Jean-Marc – il est mon aîné de deux ans, je travaillais comme un petit goret, lui c’était vachement propre, super beau… Les études ne m’intéressaient pas, j’ai quitté le lycée en Première. J’ai quand même passé mon Bac en candidat libre. Je l’ai passé avec mon frère qui s’était planté deux ans avant. Du coup, on a préparé le concours des Beaux-Arts ensemble, car on a toujours voulu faire du dessin. Pas forcément de la BD. Jeunes, on lisait Marvel et d’autres comics américains de l’époque, les Strange. Au concours des Beaux-Arts, on s’est vautrés royalement. Les épreuves consistaient en un dessin d’un nu, un dessin d’imagination et enfin la présentation d’un book de dessins. Mon frère m’a battu, j’ai eu 5/20, lui 5,5 ! [rires]


L'avez-vous ressenti comme un échec vexant ?…

Ça nous a fait un choc, mais ce fut une chance pour nous ! Si nous étions entrés aux Beaux-Arts, nous n’aurions pas fait de la BD, mais de la peinture. Nous nous sommes retrouvés dans la BD beaucoup plus tard. Mais nous avons toujours vécu du dessin. Nous voulions vivre de ce qu’on aimait faire. Je saute des étapes : nous avons fait des couvertures de disques, de la publicité, travaillé dans des journaux. Et nous avons vraiment attendu avant de nous lancer dans la BD. Ce fut presque un hasard...

De quelle manière cette orientation de carrière a-t-elle été acceptée par vos parents ?
Cela n’a posé aucun problème. Maman a fait l’école du Péret. Elle voulait devenir créatrice de costumes pour le théâtre. Et puis elle s’est mariée et n’a jamais travaillé dans son domaine. Mon grand-père maternel a été peintre à sa retraite, pas un très grand peintre, mais il a fait pas mal d’expositions aux États-Unis et en France. Officier de marine, il avait dirigé un réseau de la Résistance en 1940, suivi De Gaulle et créé le service des barbouzes. Je suis très fier de lui. Donc, l’art remonte quand même sur trois générations ! Côté paternel, ingénieur le père, le grand-père, l’arrière grand-père. Mes parents étaient divorcés : mon père, donc, n’a pas eu son mot à dire. Mais je crois qu’il a été content. Pendant des années, notre grand-mère paternelle nous a quand même demandé quand nous allions avoir un vrai métier ! C’est vrai qu’au début on a galéré. Ensuite, c’est un métier comme un autre, sauf qu’on s’amuse plus que beaucoup d’autres ! Je suis vraiment heureux de faire ce métier-là !

visuels : extrait de la planche 5 de Malheig T3 © Éric et Jean-Marc Stalner / Dargaud ; Malheig, visuel pour un ex-libris © Éric et Jean-Marc Stalner / Dargaud - courtesy Galerie Daniel Maghen
interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

lundi 3 novembre 2008

Entretien Auracan.com (1/5) Découverte d’Éric Stalner - 2008

« Sincèrement, je suis vraiment heureux de faire ce métier... »
Propos recueillis par Manuel F. Picaud en août 2008

Stalner, c’est d’abord une signature commune, celle de deux frères qui se sont fait un pseudonyme ensemble dans la bande dessinée avant de se faire un prénom. Éric et Jean-Marc se sont séparés en 1999 et poursuivent depuis une carrière chacun de leur côté. Éric Stalner a su rebondir en accentuant son trait réaliste enlevé, en multipliant les projets de qualité et les fructueuses collaborations et en diversifiant ses méthodes de travail. Attiré par le Bouddhisme, ceinture noire de karaté, amoureux de la vie et de ses plaisirs, il dégage une humanité rare et irradie une authentique culture.

Pour mieux connaître cet auteur complet, à la vie intérieure riche et particulièrement romantique, nous vous proposons une série d’entretiens réalisés par Manuel F. Picaud chez l’auteur, à Toulouse, en août 2008. Ces entretiens ont été initialement publiés sur Auracan.com en septembre et octobre 2008 au sein du Dossier Éric Stalner & Pierre Boisserie.

Éric Stalner est né le 11 mars 1959 à Paris 14e, rue Giordano Bruno. Il s’amuse à y voir deux signes. Giordano Bruno était un philosophe de la Renaissance accusé d’hérésie, brûlé vif pour avoir démontré la pertinence d’un univers infini, peuplé d’innombrables mondes identiques au nôtre. Et sa date de naissance correspond aux débuts du soulèvement du peuple tibétain face aux menaces du pouvoir chinois sur le dalaï-lama.

Pouvez-vous préciser cela ?...
Je suis peut-être la réincarnation d’un moine tibétain qui s’est pris une balle dans la tête par un Chinois. J’y ai beaucoup pensé quand je me suis intéressé au bouddhisme tibétain. Je me suis dit, si ça se trouve, c’est normal, c’est karmique, je retourne là parce que j’ai vécu au Tibet dans une autre vie.

On connaît moins votre côté karatéka et officier de réserve…
Je n’ai jamais passé une deuxième dan. Cela me gonflait. J’ai eu ma ceinture noire et ensuite terminé. Ma ceinture noire a été une grande fierté. C’était plus important que mon Bac. Comme mes épaulettes d’officier de réserve. Je sais que ce n’est pas bien vu dans la BD, mais j’aime bien cela. Cela dit, je n’ai pas continué. J’avais besoin d’aventures. Je voulais même être para. Je ne suis pas fondamentalement militariste, même si je suis issu d’une famille de militaires. Disons que je n’ai pas la haine de l’uniforme.

interview & photo © Manuel F. Picaud / Auracan.com

dimanche 2 novembre 2008

Portrait d’Éric Stalner

Cela fait déjà 20 ans qu’Éric Stalner œuvre en bande dessinée. D’abord en collaboration avec son frère aîné Jean-Marc, puis seul ou en collaboration avec d’autres auteurs, il n’a pas arrêté ! Aujourd’hui, son nom est intimement lié à celui de son coscénariste Pierre Boisserie avec qui il signe, notamment, La Croix de Cazenac, Flor de Luna ou Voyageur !

La carrière d’Éric Stalner – né en 1959 – se divise en deux étapes principales. De 1987 à 1999, il réalise l’essentiel de ses projets avec son frère aîné Jean-Marc (avec qui il crée et impose leur pseudonyme commun Stalner). D’abord chez Glénat, puis chez Dargaud, ils multiplient les titres : Les Poux, Le Boche

Ensemble, les frères Stalner deviennent auteurs complets et signent de petits bijoux comme Fabien M., Malheig, Le Fer et le Feu. Mais, douloureusement, ils finissent par se séparer au cours de la création de cette dernière série… À partir de l’âge de 40 ans, Éric Stalner vole de ses propres ailes, et enchaîne avec bonheur les projets : en particulier en collaboration avec Pierre Boisserie, ou quelques autres, ou encore en solo. Ayant imposé son prénom, Éric Stalner multiplie avec toujours plus de plaisir de nouvelles séries dans des genres fort variés : La Croix de Cazenac, Le Roman de Malemort, Blues 46, Ange-Marie, La Liste 66, Voyageur, Flor de Luna… Prolifique, travailleur, boulimique, Éric Stalner développe déjà de nouveaux projets chez Glénat et chez 12 bis, parmi lesquels le triptyque Ils étaient dix

L’œuvre d’Éric Stalner est imprégnée par des constantes caractéristiques de ce qu’il faut bien appeler « le style Stalner » : une culture littéraire, artistique et cinématographique étendue ; un goût marqué pour l’art romantique, riche de vieilles pierres, de végétations luxuriantes et de mythologies ; une large place pour les histoires de famille et des personnages aux caractères de battants dans l’adversité.

Éric Stalner est reconnu pour être un auteur rapide : ne peut-il pas, en seulement quatre mois, scénariser et dessiner un album ?! Il nous confie qu’il aimerait parfois pouvoir mieux faire ce qu’il réalise, mais – dit-il – il y perdrait en spontanéité et en rythme. Quoi qu’il en soit, son plaisir de dessiner le guide. Résultat, en un peu plus de 20 ans, sa bibliographie atteint la soixantaine d’albums !

Au sein de la rubrique Bibliographie des Carnets d’Éric Stalner, retrouvez sur chacune des fiches bibliographiques les commentaires du principal intéressé où il revient sur ses nombreuses réalisations, en collaboration avec d’autres auteurs ou en solo.

Manuel F. Picaud et Brieg F. Haslé
photo © Manuel F. Picaud 2008

jeudi 30 octobre 2008

Biographie d'Éric Stalner, version Dupuis

Né à Paris le 11 mars 1959, Éric S. (*) accomplit ses premiers pas dans la BD avec son frère aîné Jean-Marc, né à Douala au Cameroun le 1er août 1957, sous le pseudonyme commun de Stalner. Ils sont recalés au concours d'entrée de l'École des Beaux-Arts de Paris, mais s'accrochent à leur désir de vivre de leurs dessins en réalisant ensemble dès les années 80 de nombreuses affiches, pochettes de disques et autres commandes publicitaires.

Leur intronisation en BD s'effectue chez Glénat en 1989 où ils illustrent trois scénarios de Christian Mouquet dans la série Les Poux, signée cette fois A. et M. Stalner (pour Alexandre et Martin). Ce galop d'essai terminé, ils décident d'opter définitivement pour leurs véritables prénoms dans leurs œuvres ultérieures réalisées en commun jusqu'en 1998. Se succèdent ainsi Le Boche (six albums de 1990 à 1995 chez Glénat, sur scénario de Bardet), Fabien M. (cinq épisodes chez Dargaud de 1993 à 1996 sur leur propre scénario), Malheig (quatre volumes chez Dargaud de 1996 à 1998), Nordman, les Vikings en Normandie (album unique chez Glénat en 1996, avec la collaboration de Bardet au scénario et sur une commande de l'Association du Millénaire du comté d'Eu). Le Fer et le Feu sera leur dernière série commune chez Glénat à partir de 1998 et fut terminée au quatrième album par Éric seul.

À la fin des années 90, maturité graphique acquise, ils décident en effet de suivre chacun leur propre chemin. Éric lance les séries du Roman de Malemort (cinq volumes chez Glénat de 1999 à 2003) et La Croix de Cazenac (cinq volumes chez Dargaud de 1999 à 2003). Il participe au deuxième volume de l'œuvre collective Le Triangle Secret (chez Glénat en 2000, scénario de Convard) et publie en 2004 chez Dargaud le diptyque Blues 46, sur un texte de Laurent Moënard. Le premier scénario d'une jeune Corse, Aude Ettori, va l'amener à une première incursion aux éditions Dupuis avec un remarquable one-shot : Ange Marie, dans la collection Aire Libre.

Son dessin d'un superbe réalisme classique et sa riche recherche de couleurs chaudes n'exclut pas une productivité étonnante puisqu'il se passe rarement d'année sans qu'il publie deux albums à large diffusion et qu'il se livre néanmoins en parallèle, de temps à autre, à de brèves recherches esthétiques pour des éditeurs marginaux à tirages limités : Héra chez Imbroglio (2002), À la recherche de Blanche chez BD'Empher (2003), etc.

(*) Ces deux auteurs ne souhaitent pas révéler leur véritable patronyme, quelque peu biblique et trop commun en France.

Biographie d'Éric Stalner, version Glénat

Né en 1957 [sic], Éric Stalner commence par dessiner à quatre mains avec son frère Jean-Marc. C'est en 1999 qu'Éric Stalner débute une carrière en solo avec la création de La Croix de Cazenac sur scénario de Pierre Boisserie chez Dargaud.

De nouveau chez Glénat, il signe seul Le Roman de Malemort. En 2003, il dessine À la recherche de Blanche chez BD'Empher, puis en 2005 Ange-Marie avec Aude Ettori chez Dupuis. En 2004 paraît Blues 46 écrit par Laurent Moënard chez Dargaud où il débute en 2006 La Liste 66.

Avec Flor de Luna, il collabore à nouveau avec Pierre Boisserie et Éric Lambert pour les éditions Glénat. Sa puissance de travail lui permet de signer un nombre d'albums impressionnant tout en conservant une grande qualité graphique à ses œuvres.

photo © Glénat 2007

lundi 27 octobre 2008

Biographie d'Éric Stalner, version Dargaud

Éric Stalner est né à Paris en 1959. Dans les années 1980, il se lance dans une carrière d’illustrateur avec son frère aîné, Jean-Marc. Ils réalisent ensemble des pochettes de disques, des affiches de concert et divers travaux publicitaires.

Éric Stalner collabore aussi au journal L’Idiot international dirigé par l’écrivain Jean-Edern Hallier. Jusqu’au jour où il décide de se consacrer à la bande dessinée, attiré par le plaisir de raconter des histoires. Il dessine son premier album, Les Poux (éditions Glénat), en compagnie de son frère et d’après un scénario de Christian Mouquet.

Viendront ensuite, toujours chez Glénat, les séries Le Boche et Le Fer et le Feu puis, chez Dargaud, Fabien M. et Malheig. En 1998, Éric Stalner décide de suivre son propre chemin. Il dessine La Croix de Cazenac sur un scénario qu’il signe avec Boisserie et Blues 46 écrit avec Laurent Moënard. Il a aussi participé à la saga Le Triangle Secret écrite par Didier Convard et mise en images par plusieurs dessinateurs (Glénat).

photo © Rita Scaglia / Dargaud 2004

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Rédactionnel © Brieg F. Haslé et Manuel F. Picaud /
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