dimanche 11 janvier 2009

Entretien Association Fabble - 1999

Interview d'Éric Stalner parue dans sur le site de l'association Fabble en 1999
Propos recueillis par Bernard Launois et publiés sur le site de l'Association Fabble en 1999

« La bande dessinée est un métier de passion, d'amour, d'envie, de plaisir. »

Depuis combien de temps dessinez-vous ?
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé dessiner. Lorsque nous étions petits, mon frère et moi, nous faisions des petites devinettes en BD que nous vendions pour 20 ou 50 centimes à notre mère, nos vrais débuts professionnels en quelque sorte. Plus tard, adolescents, nous avons copié les super-héros américains de Strange et Marvel. Dessiner n'était pas une obsession dans ma jeunesse mais un désir permanent. Les marges de mes cahiers de classe étaient remplies de dessins, comme tous ceux qui font le même métier que moi je suppose.

Depuis combien de temps faites-vous de la BD ?
J'ai commencé véritablement la bande dessinée chez Glénat toujours en compagnie de mon frère en 1988 avec Les Poux édité en mars 1989 dans la collection Vécu. Le scénariste s'appelait Christian Mouquet. Il y a eu trois tomes et c'était une histoire d'anarchistes russes que j'aimais beaucoup. Le titre de la série provenait d'une phrase de Lénine : "Dans la nouvelle Russie il n'y a pas de place pour les poux, ou bien le socialisme tuera les poux ou bien les poux tueront le socialisme". Cette BD est sortie quelques mois avant la chute du mur de Berlin. C'est parfaitement involontaire même si cela peut paraître prémonitoire.

Vit-on vraiment de la BD ?
Il y a de grandes différences dans le traitement des auteurs suivant leur nombre d'albums vendus, la reconnaissance du public. Mais si c'est très important d'être honnêtement rémunéré et de recevoir les doux fruits de son dur labeur (larme de reconnaissance) le principal n'est pas là, en tout cas pour moi. Je dirais que je vis de la BD mais surtout avec et pour la BD. C'est un métier de passion, d'amour, d'envie, de plaisir. Je serais riche que je paierais pour continuer.

N'y a-t-il pas des moments de lassitude et d'envie de faire autre chose ?
De temps en temps peut-être mais c'est tellement rare que cela ne vaut pas la peine d'en parler. Ce qu'il y a parfois de pénible ce sont les moments de doute et cela c'est dur à supporter. Si j'arrêtais la BD, je ferais de l'illustration peut-être, de la pub ou autre chose. Ce qui est certain c'est que tant que je le pourrai, je dessinerai.

Pourquoi avoir décidé d'abandonner les scénaristes (Christian Mouquet pour Les Poux et Daniel Bardet pour Le Boche et Nordman) ?
Ce n'est pas un abandon, c'est simplement l'envie de changer, de tracer son chemin tout seul et surtout de raconter ses propres histoires.

À l'époque des Poux, vous signez A. et M. Stalner : pour quelle raison ?
Stalner est un pseudonyme. Éric est mon vrai prénom, mais au début j'avais pris aussi un prénom pseudo : Martin. Pourquoi prendre un pseudo est une autre question et les réponses sont multiples. Disons que c'est pour le plaisir de se créer une nouvelle personnalité. Les psychanalystes y verraient peut-être le refus du père, l'aveu d'un trouble intérieur ou une peur schizophrénique violente du moi face à l'agression du monde extérieur mais les psychanalystes se fichent de la BD et c'est tant mieux ! Déjà qu'ils disent qu'Astérix et Obélix ont des rapports troubles entre eux…

Reprendrez-vous un jour Fabien M., ne serait ce que pour faire rencontrer Fabien M. et Klaus "Le Boche" comme vous l'aviez envisagez dans une autre interview ?
En fait, c'est dans ma nouvelle série La Croix de Cazenac qui sort en septembre [1999] chez Dargaud. Cela débute en 1914 et dans un tome futur (le 3e ou le 4e), on rencontrera Fabien et Klaus en clin d'œil plus qu'en vrai personnages. Encore que… qui sait ?

En combien d'albums avez-vous prévu la saga berrichonne Le Fer et le Feu ?
C'est une question qui a rarement une réponse précise. Cela dépend de beaucoup de choses. Pour l'instant il y en aura au moins 4 tomes. Après on verra pour une suite…

Une nouvelle ère commence, travailler seul (sans votre frère). Y a-t-il de l'appréhension ?
Oui, c'est drôle, c'est comme un nouveau début. Mais c'est passionnant, cela donne le sentiment d'être au départ et à l'arrivée de la création. Je n'ai pas d'appréhension au contraire je suis plutôt serein. J'adore dessiner (on commence à le savoir !) cela ne me fait pas peur d'entamer seul tant de nouveaux projets.

Est-ce que vos manières d'envisager la BD sont devenues divergentes ?
Non, je ne pense pas. C'est plutôt le désir après avoir parcouru un bout de chemin ensemble de se retrouver seul maître de son destin. Je gère mon emploi du temps, je n'ai de compte à rendre qu'à moi-même et je crois que je me sens plus libre. Je pense que mon frère a le même sentiment…

Nous savons que deux séries vont démarrer, l'une dès septembre [1999] pour La Croix de Cazenac. En combien de tomes est prévue cette intrigue en pleine Première Guerre mondiale ?
Même question suivie d'une même réponse un peu évasive. Cela dépend de plein de choses : de la réussite de l'histoire, de l'intérêt des lecteurs pour cette histoire, du soutien de l'éditeur, de ma propre envie ainsi que de celle de mon co-scénariste et néanmoins ami, du renouvellement de nos idées, etc… Pour l'instant on ne pense qu'au tome 2 et c'est déjà bien comme ça. Ce qui est sûr c'est que l'on en fera pas une histoire qui s'étire comme un chewing-gum mais plutôt des cycles de 2 ou 3 bouquins sur le même sujet. En fait, cela se situe durant la Première Guerre mondiale mais ce n'est pas un livre sur la guerre. Les sujets sont donc variés… Le tome 2 devrait se passer en Russie, un tome sur "le Lusitania" (bateau coulé en 1915), un avec Mata Hari. Nous avons plein d'idées, mais tout est lié au mystère de la croix de Cazenac…

L'autre série, La Forêt de Pierre [Le Roman de Malemort], est prévue pour quand ?
Le titre n'est pas définitif, je cherche… si vous avez des idées n'hésitez pas à me les communiquer ! La sortie est prévue pour octobre [1999], je crois. C'est allé beaucoup plus vite que prévu parce que je suis rentré totalement dans cette histoire très différente de ce que je faisais d'habitude et je me suis senti totalement à l'aise. J'ai beaucoup de mal le soir à me sortir de cet univers.

Allez-vous changer de style de dessin ?
Changer radicalement de style me paraît difficile, mais c'est vrai que mon approche est un peu différente, plus humoristique, plus libre peut-être.

Envisagez-vous d'utiliser l'ordinateur pour faire votre BD (mise en couleur par PAO), comme c'est un peu la mode chez des confrères ou bien faire appel à un coloriste comme c'est le cas pour La Croix de Cazenac ?
Toujours ce bon vieux travail à la main ! Jean-Jacques Chagnaud qui fait les couleurs du Fer et le Feu va faire celles de La Forêt de Pierre [Le Roman de Malemort], j'ai toute confiance en lui de même qu'en Isabelle Merlet qui a pris en mains les couleurs de La Croix de Cazenac avec beaucoup de style et d'élégance.

Combien faut-il de temps pour dessiner un album ?
Un certain temps, un temps certain et le temps qu'il faut de longues journées de 10-12 heures multipliées par 6 jours par semaine. Je suis loin des 35 heures…

Envisagez-vous d'écrire exclusivement des scénarios pour un autre dessinateur dans l'avenir ?
Avec Pierre Boisserie, co-scénariste talentueux de La Croix de Cazenac, nous avons travaillé sur une nouvelle histoire, un western futuriste avec un très bon dessinateur : Jitéry [projet avorté]. C'est la première fois que je fais un scénario pour quelqu'un d'autre. J'aime beaucoup cela, même si je me sens un peu perdu parce que j'ai les personnages en moi mais je ne les ai jamais couchés sur le papier. Cela dit écrire pour les autres, c'est bien, mais je ne veux pas trop le faire, le dessin toujours le dessin !

Comment voyez-vous l'avenir de la BD ?
Radieux ! Pas vous ? Un peu d'optimisme, cela fait du bien !...

interview © Bernard Launois / Association Fabble
visuels © Stalner - Bardet - Boisserie - Mouquet / Dargaud - Glénat

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